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Souvenirs

Le premier épisode d’une saison se doit d’être le pont entre la précédente et celle à venir, en rappelant – sans se répéter – ce qui a été prépondérant par le passé et en exposant – sans le dévoiler – ce qui va être important dans le futur.

 

D’une durée exceptionnellement longue (1 h 20, générique et résumé compris), ce premier opus nous propose, comme de coutume, un résumé de la saison précédente. Derrière les extraits savamment sélectionnés, la voix off de Claire philosophe à propos des choix qui incombent à chacun, faisant apparaître de manière magistrale un lien entre les deux saisons.

 

« Les couleurs de nos vies changeaient. 

Le temps est-il la toile éternelle de Dieu ? Le moindre frôlement déclenchant des vibrations qui résonnent au travers des siècles, forçant des évènements à se produire, prenant de l’avance sur l’avenir. 

Où que nous soyons, nous faisons des choix. Des choix idiots, ou des choix qui nous sauvent, ou qui sauvent quelqu’un d’autre. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est que les bons effets de ces choix l’emportent sur les mauvais. 

Avec suffisamment de temps, tout peut se régler. Les douleurs peuvent s’estomper, les épreuves peuvent s’effacer, le deuil peut devenir supportable. Et si le temps est comparable à Dieu, j’imagine que les souvenirs sont le diable ».

 

Le sujet est énoncé : que vont coûter, au fil du temps, les choix du passé ?

 

S’en suit un flash-back de 20 minutes destiné à nous présenter l’un des nouveaux personnages autour duquel tournera l’intrigue de la saison.

En effet, nous voici projetés en 1753.

Alors qu’il arrive à Ardsmuir, Jamie retrouve ses compatriotes jacobites. Ceux-ci sont divisés en deux groupes distincts et opposés : les catholiques d’un côté et les protestants de l’autre, menés par Tom Christie, un homme austère et vindicatif. Christie semble bénéficier de quelques faveurs de la part de Harry Quarry, le gouverneur de la prison, car tous deux sont francs-maçons. Si ce n’était sa très grande piété, Christie est dépeint comme quelqu'un de détestable, manipulateur et craintif.

Après avoir assisté à plusieurs querelles entre les deux groupes, Jamie demande au gouverneur de le faire franc-maçon afin qu'il puisse réunir tous les détenus sous un même idéal et mettre un terme aux conflits religieux et politiques. Tom Christie perd alors de son influence auprès des prisonniers, mais également auprès de Quarry qui invite désormais Jamie à sa table.

 

Outre la présentation de Tom Christie (Interprété par le magistral Mark Lewis Johns) et surtout du lourd contentieux qui persistera entre les deux Écossais, cette première partie nous rappelle à quel point Jamie est un leader né et qu’au-delà de sa souffrance personnelle et de son cheminement particulier, il a toujours su rallier les hommes entre eux, qu’ils soient ou non de son clan.

Saison 6, épisode 1

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Par Valérie Gay-Corajoud

Après cette (trop ?) longue introduction, nous nous retrouvons à nouveau en 1773 en Caroline du Nord, sur la crête enneigée des Fraser.

Tom Christie marche en direction de la grande maison. Il semble tout à la fois hésitant et résolu.

 

Générique

 

L’une des belles surprises de cette saison, c’est le renouveau de la magnifique version de « The Sky Boat », créée par Bear McCreary. 

Jusqu’alors divinement interprétée par Raya Yarbrough, l’épouse du compositeur, elle est, cette fois-ci proposée en duo avec Griogair Labhruidh. C’est tout simplement sublime !

 

La scène suivante nous présente Marsali à qui Claire est venue rendre visite.  Claire remarque des bleus sur son bras. Marsali trouve une excuse, mais le malaise est là, sans qu’on puisse le nommer.

— Ta grossesse est bien avancée, annonce Claire. Il faut que Fergus s’occupe de toi quand il est à la maison. Tu ne devrais pas courir à droite à gauche après les enfants et faire tout le ménage.

Nouveau malaise. Quelque chose ne va pas et nous n'apprendrons rien de plus pour l’instant, mais un peu plus tard nous croiserons Fergus perdu et aviné, semblant ne plus savoir où est sa place dans la communauté. Bien qu’elle ne s’en ouvre pas encore complètement, Marsali se sent seule. Délaissée.

 

Au fil de l’épisode, Fergus apparaîtra de plus en plus hagard, à la fois saoul, et provocateur, incapable de compatir à la solitude de Marsali et encore moins d’entendre ses prières. Nous peinons à le reconnaître, comme si quelque chose était brisé en lui.

En quelques plans, nous retrouvons la bonne ambiance du ridge, Lizzie, les Bug, les jumeaux Beardsley, et Ian qui revient apparemment de la chasse avec un cerf sur les épaules.

- Plan général sur le domaine accompagné d’un crescendo musical. Le décor est planté afin que l’histoire puisse commencer.

- Gros plan sur l’écoulement du sablier de Claire et c’est bien trouvé, car y a-t-il un symbole plus parlant lorsqu’il s’agit d’évoquer le temps ? Qu’il soit celui des souvenirs ou celui à venir ?

 

Jamie pénètre dans l’infirmerie de Claire et la découvre endormie sur le lit. L’image est magnifique ! On dirait une peinture de Jan Vermeer. Pourtant ce paisible tableau devient rapidement porteur de la plus grande angoisse de Jamie, car Claire ne se s'éveille pas malgré ses appels.

Elle reprend conscience finalement et nous offre son célèbre « Jesus Roosevelt Christ » (« Nom d’un Franklin, c’est pas Dieu possible », pour la version française). Clin d’œil aux initiés.

 

Nous apprenons qu’elle vient tout juste de fabriquer de l’éther qui rendra plus faciles les futures opérations chirurgicales. Comme elle l’avait signifié à sa fille quelque temps auparavant :  Pour sauver ses proches, elle est prête à enfreindre les lois du temps.

Soulagement, car cela veut dire que Lionel Brown n’est pas parvenu à l’affaiblir. Malgré les menaces, malgré le danger, elle continue de faire passer le bien-être des gens qu’elle aime avant sa propre sécurité.

 

S’en suit un tendre dialogue entre les deux tourtereaux sur l’intérêt de ne plus rien ressentir ainsi que sur la maîtrise du temps. Garder le temps pour soi, laisser celui des autres s’écouler sans que cela déborde sur leur propre vie, leurs propres choix. Laisser passer la guerre, Brown et son comité de sécurité et rester tous les deux, tranquillement.

— Si seulement on pouvait, murmure Claire.

Mais Jamie lui annonce que le major Macdonald lui a demandé d’être un agent indien afin d’améliorer les relations entre la couronne et la tribu des Cherokees. En vérité, cela n’est qu’un prétexte pour les encourager à se battre du côté du roi. Les Fraser ne sont pas dupes. Ils ont l’habitude d’être pris en étau entre deux camps opposés.

Il refuse donc tout d’abord, malgré l’insistance de McDonald, mais peu après, ce dernier lui apprend que la fonction sera endossée par Richard Brown, ce qui serait dramatique. Aussi, par dépit, Jamie finira-t-il par accepter le poste.

 

Vient après cela une scène qui pourrait paraître anodine, mais qui se révèlera pourtant déterminante en regard des épisodes suivants et dont il sera utile de se souvenir.

Jamie accompagne Claire qui va rendre visite à Marsali. Elle lui confie avoir remarqué qu’il semble ne pas vouloir la quitter des yeux depuis les violences que Lionel Brown et ses hommes lui ont fait subir.

Il est important de nous le rappeler également, car il ne saurait être question de faire l’impasse sur son traumatisme. Et Jamie est bien placé pour le comprendre, lui qui a enduré le même à Wentworth, de la part de l’infâme Black Jack Randall !

— Je vais bien, lui assure-t-elle en posant sa main sur son genou. Et en effet, elle semble heureuse et apaisée.

Nous réaliserons par la suite que ce n’est pas le cas, mais qu’il était difficile pour son entourage d’en prendre la pleine mesure, puisque Claire ne s’en ouvre à personne, pas plus à son mari qu'à Brianna quelques scènes plus loin.

— Fut un temps, où quand on me demandait comment j’allais, je disais la même chose, rétorque Bree. Mais elle sait également qu’il ne sert à rien de forcer Claire à se confier tant qu’elle n’en aura pas envie. Telle mère telle fille.

Nous laissons le couple Fraser pour rejoindre Brianna et Roger. Eux aussi parlent du temps à venir qu’ils savent tourmenté.

Aux férus d’histoire, un petit clin d’œil est fait lorsque Roger propose du thé ou du café à Brianna.

— Tu imagines le nombre de bonnes tasses de thé qui vont être balancées dans ce putain de port ! 

Il fait bien sûr référence à la célèbre « Boston Tea Party » (voir billet à ce sujet) qui avait déjà été évoquée lors de la saison précédente.

Bien que leur discussion soit d’apparence légère, ils expriment malgré tout cette difficulté toujours présente de connaitre l’avenir et de s’interroger sur leur droit à prétendre le remodeler.

 Si l’Amérique ne devient pas l’Amérique, qui sait à quoi le monde ressemblera ? se questionne Roger.

— Je sais, lui répond Brianna, mais qu’est-ce qu’on y peut ? 

Elle a compris, peut-être parce que ses parents l'ont déjà vécu, qu’il n’est pas de leur ressort de changer la grande histoire. Et puis, comment oublier que la dernière fois qu’ils ont tenté de s’interposer face au futur, Roger a fini pendu à un arbre ?

D’une certaine manière, eux aussi voudraient que le temps passe sans eux.

Comment parvenir à trouver leur place ? Roger, un historien en avance sur l’histoire et Brianna, une ingénieure qui n’ose pas mettre en pratique ses projets par peur d’être jugée comme l’a été sa mère.

Mais en attendant, voilà que Tom Christie arrive enfin à la grande maison. À partir de là, l’épisode lui est presque totalement consacré.

 

Tout d’abord reçu par Roger et Brianna, il fait part de son désir de trouver un travail et un lieu pour vivre avec un groupe de pêcheurs qui l’accompagne.

Pendant quelques minutes, nous pouvons nous interroger sur sa relation avec Jamie. Après tout, le pré-générique nous avait donné un aperçu de leur rapport au tout début de la captivité de Jamie, mais peut-être avait-elle évolué au fil des années !

Ce questionnement ne dure pas,  car dès l’arrivée de Jamie nous percevons sa réserve et sa défiance bien qu’il finisse par accepter de l’accueillir, lui et les siens.

 

Dans le camp des pêcheurs où les Fraser apportent des provisions, nous retrouvons Tom Christie et ses deux enfants, Malva et Allan. Alors que Claire se propose immédiatement de soigner les personnes souffrantes, Tom exprime son étonnement à propos de l’étendue du domaine octroyé aux Fraser par la couronne.

 Il semble que le grand architecte de l’univers ait jugé bon de parsemer votre route de ses bienfaits, dit-il, laissant à nouveau ressortir cette jalousie qui déjà prédominait en lui à Ardsmuir.

— Peut-être puis-je vous céder ma part de ses bienfaits en échange de paix et de tranquillité, rétorque Jamie qui connait bien le personnage. Et il rajoute : Je suis sûr que ma femme vous en sera reconnaissante.

Un dialogue chargé de ressentiment d’un côté et de menace de l’autre. Citer le grand architecte, c’est faire référence à la franc-maçonnerie, ce qui est peut-être la seule raison qui fait accepter Jamie d’accueillir Christie. Citer Claire, c’est également proposer de ne pas ressasser le passé et se tourner vers l’avenir, à moins qu’il ait lu quelque chose dans le regard que Christie a posé sur Claire.

Le soir venu, Jamie se confie à Claire au sujet de Christie. Nous apprenons en même temps qu’elle que ce dernier a perdu sa femme durant sa détention à Ardsmuir, alors que lui, Jamie, avait Claire dans ses pensées. Elle était auprès de lui, tel un ange.

Est-ce une manière d’excuser Christie ? De considérer sa propre chance ?

 

Pourtant il n’est pas naïf et sait qu’il faut garder Christie sous contrôle. Ce qu’il fait lors de la visite suivante au camp des pêcheurs.

Christie déclare désirer bâtir une école et une église, soi-disant pour remercier d’avoir été accueilli. Mais nous pouvons déjà le soupçonner de vouloir remodeler la colonie en ce qu’il estime être important.

— Nous avons notre manière de faire, dit-il à Roger.

— Savez-vous construire des maisons en bois ? Demande Jamie à l’assemblée. Et devant leur silence, il reprend :

— Dans ce cas, monsieur Christie, peut-être devrais-je vous expliquer notre façon de faire. 

La leçon est entendue : nous vous accueillons, nous vous aiderons, mais ici, c’est moi qui dirige.

 

Nous pressentons le danger que représente Christie pour l’équilibre du ridge.

Par petites touches, on nous décrit sa rigidité et sa dureté.

 

Malva indique à Claire que son père, ancien instituteur, ne lui enseigne que les matières religieuses et grammaticales et qu’en aucun cas il n’accepterait qu’elle s’intéresse à la science. De son côté, Allan précise à Ian que son père ne risquerait pas de lui apprendre à tirer au fusil. Qu’il se contenterait de le sermonner à ce sujet : « Lâche ton arme et brandis le bouclier de la foi qui te permettra d’éteindre la totalité des flèches enflammées du mauvais ».

On ressent fortement dans les paroles de l’un et de l’autre le poids de l’autorité paternelle empreinte d'un fanatisme religieux qui pèse sur eux . 

Pourtant, on éprouve également sa faiblesse.

Lorsqu’il vient faire soigner sa main blessée auprès de Claire, il s’évanouit, peut-être à cause de la douleur, peut-être à cause de la vue du sang, ou peut-être par peur, tout simplement. Il ne se laissera faire finalement que par fierté face à Jamie qui reste présent pendant que Claire recoud la blessure.

 

— Il n’a pas aimé que je le découvre transpirer, dit Jamie à Claire.

— Alors, pourquoi es-tu resté ? 

— Parce que je savais que si je restais, il n’allait ni gémir, ni se plaindre, ni s’évanouir une deuxième fois. Il te laisserait lui enfoncer des pics rougis dans ses globes oculaires plutôt que de brailler devant moi. 

 

On pourrait croire que Jamie n’a que défiance et dégoût pour un personnage tel que Tom. Pourtant, il confie à Claire que durant toutes les années de leur captivité, Christie a refusé de s'exprimer en gaélique malgré la pression des détenus.

— Un homme assez buté pour parler anglais à des Highlanders est également un homme assez buté pour se battre à mes côtés s’il le fallait. 

 

Nous apprécions ici l’une des caractéristiques de Jamie : s’entourer d’hommes de valeur, quand bien même seraient-ils d’un autre bord que le sien. Et même si d’évidence, Christie le met hors de lui, il sait reconnaître ses qualités tout autant que ses défauts.

Un peu plus tard, Jamie n'a pas d'autres choix que de donner le fouet à Allan Christie, accusé par Brown d’avoir volé un cornet à poudre. Après cela, il réitère sa posture de chef auprès de Tom.

— À Ardsmuir, on se débrouillait. On vivait sous l’autorité de quelqu’un d’autre. C’était avant. Maintenant c’est différent. Si vous comptez rester à Fraser’s ridge, c’est ma parole qui a force de loi. 

Ce à quoi Christie loin de s’estimer redevable et conciliant réplique :

— Non, c’est la parole de Dieu ! On le place l’un et l’autre en premier, n’est-ce pas monsieur Fraser ? 

 

On réalise alors que la colonne vertébrale de Christie, c’est sa conviction religieuse. Sa force est dans sa foi sans faille, et c'est là, et seulement là qu'il trouve le courage de s’opposer à Jamie.

 

 

L’épisode se termine sur l’état de Claire qui ne va pas aussi bien qu'elle le prétend.

Un cauchemar mélangeant les différentes parties de sa vie - Gellis, Colum et bien sûr Lionel Brown - la réveille en sursaut. Refusant de se confier à Jamie, elle prétexte l’envie d’une tasse de thé pour rejoindre son infirmerie où elle respire de l’éther afin d’échapper à ses angoisses en se réfugiant dans un sommeil artificiel.

En conclusion, ce premier épisode est particulièrement sombre, empli de douleurs et de menaces qui poussent les plus fragiles à se calfeutrer dans la solitude et le déni.

Cependant il a joué son rôle en introduisant l’essentiel de ce qui composera l’intégralité de la saison.