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Le texte et les recherches historiques sont de Françoise Rochet  

Les illustrations et les recherches dans Outlander sont de Gratianne Garcia  

 

Outlander, ses héros et la Guerre d'Indépendance 

8 /  Thomas Paine, un Anglais convaincu et son Sens Commun. 
 

 

  

« Au-delà de l'ingratitude et de l'oubli, Common Sense de Thomas Paine est un pur morceau d'histoire, l'une de ces œuvres rares qui rencontrent leur époque à point nommé et font soudain basculer le cours des choses ». 

       Bernard Vincent 

 

 

Introduction 

  

Avant de continuer notre voyage vers l’Indépendance, arrêtons-nous un instant sur une personnalité déterminante. Voici le moment de faire sortir de l'ombre un homme qui consacra ses forces et son talent à de justes causes, tout au long de sa vie. Avec un petit pamphlet, très facile à lire, il va réussir à fédérer une colonie contre un empire !  

Disons-le de suite, ce fut un document un peu difficile à réaliser, tant pour l’écrire que pour l’illustrer. Nous restons conscientes que ce personnage n’est pas aussi populaire que Benjamin Franklin. Mais il est incontournable si nous voulons être complètes dans cet historique de la Révolution Américaine.  

 

Madame Diana Gabaldon nous permet de faire sa connaissance par l’entremise de Lord John et de Fergus. Dans les deux cas, elle nous décrit certaines caractéristiques physiques et intellectuelles du personnage ! Nous y reviendrons à la fin de ce document.

 

Thomas Paine est un citoyen du monde, un pacifiste, un révolutionnaire…

Habité par l'esprit des Lumières, il est l’un des premiers penseurs des Droits de l'Homme.

Mais il n’est pas le père de cette indépendance. Celle-ci est le fruit d’une lente maturation qui est l’œuvre des événements eux-mêmes. 

Il est temps d’agir : le lion anglais dévore l’oie américaine bien grasse ! Il faut en finir !

Les ministres et aristocrates se sont regroupés autour d'une table sur laquelle se trouve une oie bien grasse. L'oiseau a une petite chaîne autour du cou.

 

Elle symbolise l’Amérique.

 

Au premier plan (à gauche), un évêque se penche en arrière dans un fauteuil en regardant attentivement, attendant la manne !  

 

Sur le sol (à gauche) se trouve une carte de "l'Amérique du Nord" qui est encrassée par un chien ; à droite se trouve deux sacs, l'un est inscrit "Taxes" est en train de dégorger les œufs.

 

Sur le mur qui forme un arrière-plan se trouve une image du lion britannique endormi.

Bientôt les événements se précipitent !

*    En 1773-1774 avec la Boston Tea Party et le choc des Lois intolérables qui dépècent la colonie.
*    En 1775 avec la militarisation du Massachusetts, l’ouverture des hostilités et la Proclamation répressive du roi.
*    Début 1776 avec l’annonce du blocus commercial décrété par le Parlement.

C’est dans ce contexte qu’interviennent quelques publications décisives dont les formules sont percutantes :

"Common Sense", (Sens Commun) qui incite à l’Indépendance ; 

 "American Crisis" qui sera déterminant durant la guerre.

"Rights of Man", (Droits de l’Homme) un article défendant la Révolution française.

"The Age of Reason," (L'âge de la raison) concernant la place de la religion dans la société…

« Common Sense », le livret le plus influent de Paine, conquit un large public, éveillant l'opinion publique par ailleurs indécise selon laquelle l'indépendance vis-à-vis des Britanniques était une nécessité.

La jeunesse de Thomas Paine 

Il naît, le 29 janvier 1737 à Thetford dans le comté de Norfolk, en Grande-Bretagne.

 

Comme son père, Thomas Paine est quaker (alors que sa mère est anglicane). 

 

Paine reçoit de bonnes bases d'éducation, a appris à lire, à écrire et à faire de l'arithmétique.

À l'âge de 13 ans, il commence à travailler avec son père en tant que fabricant de cordages   utilisées sur les voiliers à Thetford, une ville de construction navale. Certaines sources affirment que lui et son père étaient des fabricants de corsets, mais la plupart des historiens citent cela comme un exemple de calomnies propagées par ses ennemis.

 

Il se laisse guider par la « Lumière Intérieure » des Quakers.

Il récuse les dogmes ; il refuse de servir dans l'armée ; il se prononce contre l'esclavage, la peine de mort, la persécution, l'intolérance, le cléricalisme.

Il devient collecteur des impôts et en profite pour brosser un portrait de la misère.

 

Il écrit en 1772, un premier pamphlet "The Case of the Officers of Excise" destinée à montrer la responsabilité des riches et leurs devoirs.

Il y dénonce « Le cas des agents des accises ; avec des remarques sur les qualifications des officiers ; et sur les nombreux maux qui naissent au revenu, de l'insuffisance du salaire actuel. » 

  

Ce premier travail politique, publié à 4000 exemplaires, est distribué aux membres du Parlement et à d'autres citoyens. Cela lui vaut un premier succès mais l'inimitié de la Couronne.

 

Au printemps 1774, Paine est renvoyé du bureau des accises.

 

Thomas Paine en Amérique 

 

Son avenir s’assombrit. Il rencontre heureusement à Londres, dans l'une de ces tavernes, où l'on refait le monde, Benjamin Franklin, en mission au nom de la Pennsylvanie.

 

 

Celui-ci l'invite en Amérique, où il arrive le 30 novembre 1774, à Philadelphie.

Paine débarque au bon moment dans la colonie pour faire avancer les opinions et les pensées sur la révolution. Le conflit entre les colons et l'Angleterre atteint un paroxysme en raison des injustices.

Il retrouve tout naturellement « la Société des Amis », ses frères quakers pour qui Penn a créé cet État.

 

Parmi ceux qui recherchent un monde plus juste, il y a aussi les francs-maçons et son vieil ami Benjamin Franklin, qui a de nombreuses cordes à son arc, dont celle d’imprimeur.

 

Paine prend son premier emploi au Pennsylvania Magazine en janvier 1775.

Il publie plusieurs articles et pamphlets sous divers pseudonymes.

Il est l'un des premiers à demander l'abolition et à dénoncer, à l’instar du Quaker William Penn, le sort fait aux Indiens d'Amérique.

 

Un de ses autres articles est une condamnation cinglante du commerce des esclaves africains, appelé "African Slavery in America", qu'il signe sous le nom de "Justice and Humanity".

L’objectif final est se débarrasser de la tutelle de George III, de ses impôts trop lourds pour payer des guerres qui s’éloignent des intérêts des colons.

Paine, le 8 mars 1775, compare la tyrannie anglaise à l'esclavage des Noirs :

 

 « Nous avons réduit en esclavage des multitudes d'hommes, nous avons fait couler beaucoup de sang innocent et nous voilà aujourd'hui menacés du même sort. » 

 « O'tis mes garçons Yankey mes bons camarades, beaucoup de mélasse et de morue ; beaucoup de marchandises pour la contrebande ; les honneurs, les titres et la noblesse dans le marché ! » 

Les batailles de Lexington et de Concord, le 19 avril 1775, sont les premiers engagements militaires de la guerre d'Indépendance américaine.

Paine fait valoir, à l’issue de ces batailles, que l'Amérique ne devrait pas simplement se révolter contre la fiscalité, mais exiger entièrement l'indépendance.

 

 

Son œuvre majeure : Common Sense 

 

Ainsi de publications en publications, il en arrive à son texte essentiel, le "Common Sense" qui est publiée le 10 janvier 1776. 

Ce petit livret de 50 pages très facile à lire est un long réquisitoire efficace et convaincant qui invoque les nombreuses raisons pour lesquelles les colonies américaines ne devraient plus être contrôlées par un souverain despotique, George III, « le roi d'une île qui au delà de la mer ose diriger tout un continent. » 

Après avoir souligné la nécessité d'un gouvernement et d'élections, Paine examine ensuite les pratiques des institutions du roi George III, du Parlement anglais et de la Constitution.

Son point de vue est extrêmement critique car il trouve qu'il s'agit d'un gouvernement basé sur la domination héréditaire et la tyrannie aristocratique.

La brochure comprenait quatre sections : 

 

1. De l’origine et de la conception du gouvernement en général 


Paine parle des responsabilités du gouvernement envers la société.

Il déclare que le gouvernement est nécessaire pour que les hommes vivent en communauté, ou en société, et que son rôle est de s'assurer que tous vivent en paix, heureux et respectent les lois.

En parlant de la Constitution, il dénonce déjà l’injustice entre le Roi, les nobles et le peuples.

Il dénonce ce que les Français appelleront l’injustice envers le Tiers État. 

 

2.  De la monarchie et de la succession héréditaire 


Paine y décrit comment la monarchie constitutionnelle et héréditaire est un échec car elle ne contribue pas aux besoins du peuple. Et c’est non sans humour, qu’il écrit :

« L’Angleterre, depuis la conquête, a eu quelques bons rois, en très-petit nombre, mais elle a gémi sous une multitude de rois pervers : encore, à moins d’avoir perdu le sens, n’oseront-on pas avancer que leur droit sous guillaume-le-conquérant ait été d’un genre fort honorable. Compter pour premier ancêtre le bâtard d’un seigneur français qui débarque à la tête d’une troupe de bandits armés, & qui se constitue roi d’Angleterre contre la volonté des Anglais, c’est avoir une origine bien pitoyable & bien avilissante. » 

« Jamais le soleil n’éclaira une cause plus importante. Ce n’est pas l’affaire d’une ville, d’un comté, d’une province ou d’un royaume ; c’est celle d’un continent, d’un huitième, pour le moins, de la terre habitable.

Ce n’est pas l’intérêt d’un jour, d’une année ou d’un siècle ; la postérité est virtuellement impliquée dans ce débat, & sentira plus ou moins le contre-coup des opinions actuelles jusqu’à la fin des âges... 

3.  Réflexions sur l’état actuel des affaires américaines  


Paine y commente la situation dans les colonies américaines et le développement des hostilités entre elles et le gouvernement britannique d'outre-mer. D’emblée, il s’inscrit dans le devoir que la colonie a face à la postérité :

Nous sommes au moment où l’union, la bonne foi, l’honneur des peuples du continent de l’Amérique doivent jeter leurs éternelles semences. La moindre atteinte qui leur sera portée ressemblera aux traits indélébiles que laisse un nom gravé sur l’écorce d’un jeune chêne avec la pointe d’une épingle : l’incision croîtra avec l’arbre, & la postérité lira en caractères d’une grosseur frappante, le nom qu’il fut chargé de lui transmettre. » 

 

Et il accuse l’Angleterre afin de justifier ce besoin de liberté :

 

« La Grande-Bretagne est notre mère-patrie ; eh bien ! sa conduite n’en est que plus infâme ; […] » 

Il réfute à l’Angleterre cette hégémonie car c’est de toute l’Europe que sont arrivés les migrants qui ont construit ce Nouveau Monde : 

 

  

« C’est l’Europe, & non l’Angleterre, qui est la mère-patrie de l’Amérique ; ce nouveau monde a été l’asile de tous les européens, persécutés pour avoir chéri la liberté civile & religieuse. En s’y réfugiant, ce n’est point des tendres embrasements d’une mère qu’ils se sont échappés ; c’est un monstre dont ils ont fui la rage, & cela est si vrai de l’Angleterre, que la même tyrannie qui chassa de son sein les premiers émigrants, poursuit encore leur postérité. » 

Son idée majeure est de démontrer les potentiels économiques de la colonie qui ne veut plus être mêlée aux vieux conflits européens qui pourrissent la société humaine.

 

Il estime que cette colonie devenue indépendante aura un rôle essentiel à jouer et il déclare :

« Notre objet est le commerce, & pourvu que nous ne le perdions pas de vue, nous nous assurerons la paix avec l’Europe, & l’amitié de ses peuples, parce qu’il est de l’intérêt de toutes les nations européennes de trafiquer librement en Amérique. Le commerce sera toujours le génie tutélaire des américains […] » 

4.  De la capacité actuelle de l’Amérique. 


Dans la quatrième partie, Paine présente une évaluation optimiste des raisons pour lesquelles les colonies américaines gagneraient une guerre d'indépendance avec l'Angleterre.
 

Il rappelle l’héroïsme des Américains lors de la Guerre de Sept Ans et insiste sur le fait que les Américains sont prêts pour prendre leur Indépendance :

« À cela je réponds que les talents militaires dont nous pouvons nous glorifier à l’époque où nous sommes, viennent de l’expérience que nous avons acquise dans la dernière guerre, & que dans quarante ou cinquante ans, il n’en subsisterait plus de traces ; l’Amérique n’aurait pas un général, pas même un seul officier, & nous & nos enfants serions aussi ignorants dans la science militaire que l’étaient les anciens indiens. Cette unique assertion, bien discutée, prouvera d’une manière incontestable, que le moment actuel est préférable à tout autre. » 

En plus de cet argument logistique et économique contre la domination des colonies américaines, Paine a exposé des raisons impérieuses pour la création d'une nouvelle forme de gouvernement en Amérique, une basée sur le républicanisme et les élus, plutôt que sur une monarchie parlementaire.

 

Et l’auteur tire ses conclusions : 

 

Avec cette œuvre incendiaire, Thomas Paine appelle le « franchissement du Rubicon », c’est-à-dire la révolte des colonies en faveur de l’indépendance et de la république.

Il appelle à l’unité des 13 colonies à l’instar de Benjamin Franklin.  Il aspire au début du sentiment national.

Pour Thomas Paine, l’indépendance est le seul moyen qui soit capable de maintenir l’union des colonies.

 

Que les noms de whig & de tory soient effacés pour jamais ; qu’il n’y ait plus parmi nous d’autres dénominations que celles de bons citoyens, d’amis francs & déterminés, de vertueux défenseurs des Droits de l’Homme et des États libres et indépendants de l’Amérique. 

 

Il fait quelques suggestions au futur gouvernement. Il va être l'un des premiers à dénoncer la tyrannie machiste. Il propose un droit rationnel du mariage et du divorce, la justice pour les femmes.

 

 « De tous les âges et sous toutes les latitudes, l'homme a été pour les femmes un mari insensible ou un oppresseur. » 

Il est encore l'un des premiers à mettre en garde contre le risque de perpétuation de la monarchie dans la présidence. 

 

Il propose donc le suffrage universel aux représentants de treize États jaloux de leur autonomie.

 

Pour financer, il propose de vendre à des investisseurs les terres à l’Ouest du continent, c’est-à-dire les terres au-delà de la frontière qui séparent les Américains et les Natifs.

Ce qui sera d’ailleurs fait rapidement une fois la paix revenue en 1783 !

 

L’importance de Common Sense sur le public américain. 

Et sa conclusion est donc sans appel :  

 

« Le sang des victimes de la guerre, la voix de la nature en pleurs crient qu’il est temps de nous séparer. » 

  

  

  

  

Au cours de la première année seulement, 25 éditions sont imprimées et la brochure est lue dans la colonie et à l’étranger. Paine fit don des bénéfices à l’armée continentale, dirigée par le général George Washington.

 

La première version du Sens commun est devenue virale, au sens actuel du terme, lorsqu’elle a frappé les rues pavées de Philadelphie. Common Sense s’est vendu à 120 000 exemplaires au cours de ses trois premiers mois, et à la fin de la Révolution, 500 000 exemplaires ont été vendus. La population estimée des Colonies (à l’exclusion de ses populations afro-américaines et amérindiennes) était de 2,5 millions. Ce qui pouvait représenter un livret par famille, au moins.

 

Mais les contemporains en ont rarement discuté publiquement parce que le contenu était une trahison et que les gens craignaient d’être punis. Par contre, la publicité se faisait discrètement de bouche-à-oreille. Les gens achetaient la brochure et citaient quelques phrases au coin des rues et à l’intérieur des tavernes pour que les illettrés les entendent. Ainsi les idées de liberté entraient dans chaque foyer.

 

Le 4 juillet 1776, la colonie se déclare indépendante et la guerre durera jusqu’en 1783.

Common Sense, est le premier best-seller américain, source des proclamations sur les droits de l'homme. Des centaines de milliers de lecteurs enthousiastes s'enflamment pour cet auteur inconnu et son hymne à la liberté, à l'indépendance, à la république, à la justice sociale. 

Paine contribue à la cause patriote en galvanisant les troupes avec ses 16 papiers "American Crisis", parus entre 1776 et 1783.

Le numéro 1 est publié le 19 décembre 1776 car il faut aider Georges Washington à maintenir la cohérence et l’unité de son armée.

Son action durant la Guerre d’Indépendance 

 

Pendant la Révolution américaine, Paine sert en tant qu'assistant personnel bénévole du général Nathanael Greene, voyageant avec l'armée continenta

Il dénonce le  Sunshine Patriot (patriote du soleil), un soldat non loyal qui ne soutient les patriotes de son pays que lorsqu'il gagne, et lui tourne le dos lorsqu'il perd.

 

 « Ce sont les temps qui éprouvent l’âme des hommes. Le soldat de l’été et le patriote du soleil reculeront, dans cette crise, devant le service de leur pays ; mais celui qui s’y tient maintenant, mérite l’amour et la reconnaissance des hommes et des femmes. » 

Le Général ordonne que la brochure soit lue à toutes ses troupes, dans l'espoir de les enflammer. L’armée galvanisée adopte la devise « La Victoire ou la Mort »

En 1777, le Congrès nomme Paine secrétaire à la commission des affaires étrangères.

En 1779, il entre à l'Assemblée générale de Pennsylvanie et décide de rassembler des fonds pour subvenir à l’armée.

Il encourage les 13 États à mettre en commun des ressources pour le bien-être de toute la nation. Poursuivant son objectif, il a écrit "Public Good" (1780), appelant à une convention nationale pour remplacer la Confédération par un gouvernement central fort.

 

Retour en Europe 

 

En avril 1787, Paine rentre enfin en Angleterre.

En 1789, il est de nouveau fasciné par une nouvelle révolution, celle des Français.

 

Il soutient immédiatement et passionnément cette Révolution et écrit « Rights of Man » (1791) qui va au-delà du soutien de la Révolution française puisqu’il continue à y dénoncer les injustices en Angleterre.

Caricature montrant Britannia serrant le tronc d'un grand chêne, tandis que Thomas Paine tire des deux mains sur ses lacets, son pied sur son postérieur. De la poche de son manteau dépassent une paire de ciseaux et un ruban : Droits de l’Homme.

Paine (tête et épaules  visibles) pend à un support de lampe. Sur le poteau est inscrit

« Droit de cet homme » 
 

De la lampe pend un écusson, sur lequel se trouve un chevron, avec

 « Common Sense »  

Il y expose les raisons fondamentales du mécontentement dans la société européenne, la lutte contre une société aristocratique, la fin des lois sur l'héritage et la justice implacable. 

Sur cette gravure de James Gilbray, (1756-1815), Tom Paine endormi, fait un cauchemar dans lequel trois juges sans visage, éclairés par des rayons de lumière issus de la balance de la justice, déroulent des rouleaux énumérant les charges et les peines ; derrière les juges se trouvent des potences.

 

National Gallery, London

Le gouvernement britannique interdit le livre.

 

Thomas Paine et la Révolution française 

 Thomas Paine, le petit Tailleur américain, prend la mesure de la couronne de France pour lui tailler la culotte républicaine.

Paine est accusé de trahison, il prend la route pour la France où il est proclamé citoyen français et est élu député à la Convention, le 6 septembre 1792.

 

Il ne vote pas la mort du roi mais son exil en Amérique.

 

Ami des Girondins, il devient l’ennemi de Robespierre.

 

Il est victime de la Terreur et se trouve arrêté le 28 décembre 1793.

 

Il reste dix mois en prison où il écrit « The Age of Reason », livre dans lequel il exprime sa profession de foi déiste mais aussi sa foi en la science.

L’église du futur de Thomas Paine 

 

L’illustration montre une vue intérieure d'une salle dans un musée avec quatre hommes assis tranquillement sous une étagère de "Livres de référence religieuse" ; il y a une petite foule rassemblée devant eux. Plus loin dans la salle se trouve un autre groupe de quatre hommes assis tranquillement sous une étagère de "Livres de référence scientifique" ; une partie de l'exposition, étiquetée "Géographie", montre un hibou perlé sur un livre ouvert étiqueté "Kosmos" et un homme debout à côté d'un globe. Plus loin dans le hall se trouve un homme qui fait la leçon à un grand rassemblement dans une section intitulée "Chimie". Des portraits de Nicolas Copernicus, Charles Darwin, Benedictus de Spinoza et Thomas Paine sont suspendus aux arcades voûtées au-dessus. Publié par Keppler & Schwarzmann, le 10 janvier 1883.

En juillet 1795, Thomas Paine est réadmis comme député à la Convention.

Il propose dans « Agrarian Justice », en 1796, l'idée d'une allocation universelle sous la forme d’une dotation inconditionnelle pour tout jeune accédant à l’âge adulte et d’une pension inconditionnelle à partir de 50 ans.

 

Il demeure en France jusqu'à la Paix d'Amiens (25 mars 1802).

Il critique l’ascension de Napoléon Bonaparte, qualifiant le Premier Consul de « charlatan le plus parfait qui eût jamais existé » 

Il repart alors pour les États-Unis sur l'invitation du président Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, ancien ambassadeur en France qui a écrit la Déclaration des droits de l'homme de 1787, bien qu'il possède en Virginie des milliers d'esclaves. Paine rentre malade aux États-Unis et constate que son travail révolutionnaire, son influence et sa réputation ont été pour la plupart oubliés.  Il écrit encore un pamphlet dénonçant l'intolérance des églises et des sectes, tout en prenant parti pour le déisme.

 

Il meurt le 8 juin 1809, traqué par les fanatiques qui veulent l'entendre abjurer ses derniers écrits. Ce qu'ils n'obtiendront pas.

 

Seules six personnes sont présentes à ses funérailles - la moitié d'entre elles étaient autrefois réduites en esclavage.

Une notice nécrologique de Paine écrivit : "Il avait vécu longtemps, avait fait du bien et beaucoup de mal". 

 

Il faudra attendre un siècle pour que la réputation de Paine soit rétablie en tant que figure essentielle de la Révolution américaine.

 

Enfin, en janvier 1937, le Times de Londres a inversé la tendance, le qualifiant de "Voltaire anglais". Cette vision qui a prévalu. Depuis lors, Paine est maintenant considérée comme une figure fondamentale de la Révolution américaine.

 

Et je voudrais terminer par cette sublime phrase d’Émile Zola (1840-1902) : « Il n'y a jamais trop de livres. Il en faut, et encore, et toujours ! C'est par le livre, et non par l'épée, que l'humanité vaincra le mensonge et l'injustice, conquerra la paix finale de la fraternité entre les peuples. » 

 

 

Aspects moins connus de Thomas Paine : l’homme de sciences. 

 

Paine aime les sciences qui resteront une de ses grandes passions.  

  

 

Il a développé une grue pour soulever des objets lourds, une bougie sans fumée et a bricolé l'idée d'utiliser la poudre à canon comme méthode pour générer de l'énergie.

Pendant des années, Paine possédait une fascination pour les ponts. Il a fait plusieurs tentatives pour construire des ponts en Amérique et en Angleterre après la guerre d'Indépendance.

 

Sa réalisation d'ingénierie la plus impressionnante a peut-être été le pont Sunderland sur la rivière Wear à Wearmonth, en Angleterre. Son objectif était de construire un pont à une seule travée sans jetée. En 1796, le pont de 240 pieds a été achevé. C'était le deuxième pont de fer jamais construit et à l'époque le plus grand du monde. Rénové en 1857, le pont est resté jusqu'en 1927, date à laquelle il a été remplacé.

Quelques traces de Thomas Paine à Paris 

 

Parc Montsouris

Statue en bronze doré représentant dans une position d’orateur, un parchemin dans la main gauche, Thomas Paine, héros des Révolutions américaines et française, élu député à l’Assemblée constituante, qui participa à l’élaboration de la Constitution de 1791.

 

En 1937 le Président des Libres penseurs d’Amérique commande au sculpteur Gutzon Borglum cette sculpture pour en faire cadeau à la France. Le choix d’un bronze doré se réfère aux paroles de Napoléon qui, lors d’un banquet en l’honneur du politicien franco-anglo-américain lève son verre en lui disant :

 

« Chaque ville dans le monde devrait vous élever une statue en or ». 

La statue en bronze est coulée chez le fondeur Rudier fin 1939 pour une inauguration prévue en janvier 1940. Malheureusement, l’occupation allemande annule cette installation. La statue reste pendant toute la période du conflit chez le bronzier. C’est seulement le 29 janvier 1948, date du 211ème anniversaire de la naissance de Paine, qu’est célébré l’hommage au défenseur des Droits de l’Homme et de tous les citoyens du monde. (http://quefaire.paris.fr/13401/sentier-numerique-du-parc-montsouris)


Le sculpteur Gutzon Borglum (1867 1941), originaire de l’Idaho, élève de l’académie Julian, entreprend en 1927 la sculpture du mémorial du mont Rushmore que son fils terminera après sa mort en 1941.

 

 
 

10 rue de l’Odeon 

Et dans Outlander 

 

Diana Gabaldon nous fait entrevoir Thomas Paine.

 

Dans T7 – 57 - L’Écho des cœurs lointains

 

Nous sommes le 4 juillet 1777 à Philadelphie.

Lord John a rencontré Benjamin Franklin en France,

Celui-ci lui a donné quelques adresses utiles dont celle du docteur Rush.

 

« C’est ainsi que lord John Grey se retrouva dans la salle d’une taverne prospère, célébrant le premier anniversaire de la publication de la Déclaration d’indépendance. Il y eut des discours politiques enflammés quoique peu éloquents au cours desquels Grey apprit que, non content d’être un riche et influent sympathisant de la rébellion, le docteur Rush était lui-même un rebelle d’importance. De fait, ses nouveaux amis lui expliquèrent que Rush et le docteur Franklin avaient tous deux signé le document séditieux. 

  

Le bruit se répandit que Grey était un ami de Franklin, ce qui lui valut de nombreuses acclamations, et de tape dans le dos en tape dans le dos, il se retrouva nez à nez avec Benjamin Rush. » 

  

(Il s’en suivit un pugilat entre Loyalistes et Patriotes.) 

 […] 

« Grey se retrouva seul en compagnie d’un certain Paine, du Norfolk. Mal nourri, mal fagoté, affublé d’un gros nez et doté d’une personnalité haute en couleur, Paine avait des opinions très arrêtées sur la liberté et la démocratie. Il possédait également un remarquable répertoire d’épithètes concernant le roi. Trouvant la conversation laborieuse, d’autant qu’il ne pouvait exprimer aucune de ses propres opinions sur ces sujets, Grey s’excusa dans l’intention de suivre Rush et ses amis par la porte de derrière. »  

 

 

Dans T7 – 86 L’Écho des cœurs lointains 

 

Philadelphie - Avril 1778

 

« L’imprimerie de Fergus ne se trouvait pas dans le quartier le plus chic mais n’en était pas loin. Nous n’avions pas écrit pour les prévenir de ma venue car je serais arrivée en même temps que la lettre. Je fus ravie de constater qu’elle occupait une solide bâtisse en brique rouge dans une rangée de maisons tout aussi solides et agréables. Ce fut donc le cœur plus léger que je poussai la porte. 

Marsali se tenait derrière le comptoir, occupée à trier des piles de papier. Elle releva le nez en entendant la cloche tinter et resta interdite. » 

 – Ma chérie, c’est moi ! dis-je en posant mon panier. » 

[…] 

« Où est Fergus ? demandai-je. 

 – Je ne sais pas. 

 – Il t’a quittée ? m’exclamai-je horrifiée. Le petit sal… 

– Non, non… m’interrompit-elle précipitamment, riant presque à travers ses larmes. Il se cache. Il change de lieu tous les deux ou trois jours et je ne me rappelle plus où il est aujourd’hui. Les enfants le trouveront. » 

« – Pourquoi se cache-t-il ? Question idiote, je suppose. 

 Je lançai un regard vers la petite presse trapue et noire derrière le comptoir et rectifiai. 

– A cause d’un pamphlet en particulier ? 

– Oui, celui de M. Paine. Il lui a fait imprimer une série d’articles intitulée « La Crise américaine ». 

 – Oui, lui-même. C’est un homme charmant mais, selon Fergus, mieux vaut éviter de boire avec lui. Vous savez comment certains hommes deviennent doux et affectueux quand ils ont bu, alors que d’autres deviennent grossiers ou se mettent à chanter à tue-tête Bonnie Dundee alors qu’ils ne sont même pas écossais ? » 

« Venez remplir ma coupe, venez remplir ma gourde
  Venez seller mes chevaux et appeler les miens 
  Quittez le port de l’ouest et soyez libre 
  de suivre les bonnets de Bonnie Dundee » 

 

 

Enfin, dans ses notes à la fin du tome 7, Diana Gabaldon mentionne Thomas Paine : 

 

« Je me suis donc dit que le général Fraser avait peut-être été renvoyé en Ecosse (oui, on envoyait parfois des corps d’un côté et de l’autre de l’Atlantique au XVIIIe siècle. Quelqu’un a exhumé ce pauvre Tom Paine de sa tombe en France dans l’intention de le ramener en Amérique pour qu’il y soit enterré avec tous les honneurs dus à un prophète de la Révolution. La dépouille s’est perdue en cours de route et n’a jamais été retrouvée. En parlant de lacune intéressante…). » 

 

Mais il y a un problème… À moins que DG soit en possession d’autres informations, ce qui ne serait pas impossible. Thomas Paine n’a jamais été enterré en France.

Il est rentré en Amérique et est mort à New York.

Par contre, tous ses biographes racontent la même anecdote concernant sa dépouille.

 

Voici le contexte de l’histoire des ossements de Thomas Paine. 

 

Le traité de Paine sur la religion, The Age of Reason, a été publié en deux parties en 1794 et 1795 (avec une troisième partie qui sera finalisée peu avant sa mort).

 

Le premier volume une critique de la théologie chrétienne.  Il met en valeur la raison et la recherche scientifique.

 

Le deuxième volume est une analyse critique de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament, remettant en question la divinité de Jésus-Christ. Et pourtant The Age of Reason est cependant un plaidoyer en faveur du déisme et d’une croyance en Dieu.

 

Cet écrit a marqué la fin de la crédibilité de Paine aux États-Unis, où il est devenu largement méprisé.

En dépit de cette critique, en 1802, Paine rentre en Amérique.

Accueilli par le président Thomas Jefferson , qu'il avait rencontré en France, il est invité à la Maison Blanche. Les journaux s’emparent du sujet et dénoncèrent l’athéisme de Thomas Paine.

 

En 1806, malgré une santé défaillante, Paine travailla sur la troisième partie de son « Âge de raison », ainsi que sur une critique des prophéties bibliques intitulée « Essai sur le rêve ».

Paine décéda le 8 juin 1809 à New York et fut enterré dans sa propriété à New Rochelle. Les restes de Paine furent volés en 1819 par le journaliste radical britannique William Cobbett et expédiés en Angleterre afin de donner à Paine un enterrement plus digne. Cobbett voulait exposer les os de Paine afin de collecter des fonds pour un mémorial approprié. Il confectionna des bijoux fabriqués avec des cheveux retirés du crâne de Paine à des fins de collecte de fonds. En vain, le public n’adhéra pas à ce projet !

Finalement les os de Paine se furent retrouvés dans la cave de Cobbett à sa mort.

Des rumeurs sur le sort des restes germèrent au fil des années, avec peu ou pas de validation, notamment celle d'un homme d'affaires australien qui prétendait avoir acheté le crâne dans les années 1990.

En 2001, la ville de New Rochelle a lancé une campagne pour rassembler les restes et donner à Paine un dernier lieu de repos.

La très sérieuse association la   Thomas Paine National Historical Association de New Rochelle serait à la recherche de ces ossements.

Mais ce qui est certain, c’est que Thomas Paine n’a jamais été enterré en France.

 

Des légendes noires se mirent à courir sur Thomas Paine. 

 

Voici quelques questions et réponses.

 

Thomas Paine fabriquait-il des corsets pour gagner sa vie ? 

Il fut écrit qu’il avait fabriqué des corsets, ce n’est pas déshonorant en soi… mais c’est faux ! Paine a été formé dès son plus jeune âge pour suivre le métier de son père qui fabriquait des cordages pour voiliers.  Une première biographie de Paine d’un certain Oldys (qui avait été payé par un seigneur anglais pour calomnier Paine) a qualifié Paine de « fabricant de corsets » pour se moquer de lui. C’est l’une des nombreuses calomnies répandues jusqu’à ce jour pour le discréditer. 

 

Thomas Paine était-il un ivrogne ? 

Il semblerait que non … d’après la Thomas Paine National Historical Association.

Mais c’est une image que donne DG… Et sous sa plume, on le retrouve dans un bistrot !

Les cafés et tavernes étaient des lieux prisés par ces révolutionnaires, lieux de rencontres, de discussions où les idées s’échangeait.

Les racontars sur Paine proviennent des premières campagnes de calomnie menées par la royauté britannique et les fédéralistes, et c’est de là que ce bruit commença.

Ses amis, évidemment, louent ses habitudes, sa tempérance et sa politesse….

Ces médisances ont été renforcées par le « Citizen Paine » de Howard Fast, qui avait choisi ces calomnies et les avait adoptées pour créer un modèle de héros de la classe ouvrière. 

  

Malheureusement, il a ainsi solidifié la propagande anti-Paine, laissant à de nombreuses personnes l’impression que la désinformation pourrait être vraie. 

Paine est-il mort sans le sou ? 

 

Tout comme la calomnie de « l’ivrogne invétéré », cette calomnie n’est étayée par aucun fait. Elle faisait partie de la propagande visant à détruire sa réputation car ses ennemis ne pouvaient pas détruire le contenu et l'influence de ses écrits. La ferme qu'il possédait à Nouvelle Rochelle était importante et il la louait. L'argent, les actions qu'il possédait dans une banque étaient conséquents à sa mort. Il pouvait payer le loyer et les soins à la fin de sa vie dans la même mesure que la plupart des gens, y compris des amis dévoués pour s'occuper de lui. Mais comme tout un chacun, les liquidités manquaient de temps en temps. Cette calomnie fait partie de la cruauté manifestée à son égard. Paine avait de plus refusé d’être payé pour ses œuvres afin maintenir son objectivité. De plus, nous savons qu’il fit des dons à l’armée américaine.

 

Paine était-il un auteur de la Déclaration d'indépendance ? 

 

Plusieurs auteurs ont fait valoir que Paine en était l'auteur, mais la majorité des historiens l'ont rejeté. Ce que l’on peut dire, c’est que Common Sense a préparé le cadre et même une grande partie du langage spécifique de la Déclaration.  De ce seul fait, Common Sense est à considéré comme le document fondateur des États-Unis.  

CEPENDANT, la découverte récente d'un document pourrait faire évoluer nos connaissances au sujet de l’influence de Paine dans l’écriture de la Déclaration.

 

Pourquoi Paine n’est-il pas reconnu comme une figure marquante de la Révolution américaine ? 

 

Comme la plupart des sujets de l’histoire américaine, il existe deux camps d’historiens. Un groupe, apparu depuis les années 1960, reconnaît Paine comme le fondateur le plus éminent. Alors que les 200 ans de négligence institutionnelle envers Paine ont perdu de leur emprise sur la recherche, de nombreux historiens et auteurs corrigent les faits et placent Paine au premier plan. Cependant, un groupe important et établi d’historiens, qui idolâtrent les fédéralistes au détriment de l’aile démocratique de la Révolution, exerce toujours une influence sur une grande partie de l’analyse historique. L’une des raisons à cela est la répétition d’une historicité erronée provenant des premières biographies de Paine, biographies écrites par des ennemis politiques et par des agents rémunérés de la royauté britannique. Les biographies modernes reflètent encore les « faux faits » issus de ces premières campagnes de désinformation. La plupart des récits de la Révolution minimisent le rôle crucial de Paine, ce qui se corrige progressivement.