Roger « celte noir » comme l’appelle Brianna, est pour moi un des piliers de cette saga et un de mes personnages préférés depuis sa première apparition que ce soit dans la série ou dans les livres. Ce petit garçon tout gris et tristounet est devenu un bel homme qui se donne les moyens d’avoir une vie remarquable et donne de la profondeur à la saga.
— D’abord vivre l’histoire ailleurs qu’au musée et dans les livres ( T4 Ch46) est déjà exceptionnel. Et c’est ce que tout historien souhaiterait vivre un jour.
— Puis, en incarnant à lui seul plusieurs formes de souffrances, il se montre sacrément costaud, parce qu’il ne se plaint pas, et trouve des solutions dans son mental, pour moi sa force est son étonnante résilience.
— Avec pour aboutissement, le chemin de ce qu’il va faire de son existence, peu importe l’époque : « là bas, il a trouvé un sens à sa vie. Il avait trouvé une conscience en tant qu’homme, ce qu’il pensait être sa vocation » (T7-2 Ch29)
— Je le vois comme un formidable voyageur temporel animé par une mission et je lui trouve pas mal de similitudes avec Claire :« Parce qu’il ne pouvait pas vivre de l’autre côté … » (T4 Ch67), son amour inconditionnel pour Brianna, sa résilience et arriver à rester soi-même. Même si l’adaptation a été compliquée pour lui dans les deux époques après ses deux premiers voyages temporels.
— Pour finir, ce qui me touche beaucoup au fur et à mesure de l’avancée de ce personnage dans la saga c’est l’admiration et l’affection réciproque qui se développe entre Roger et Jamie. Il devient un vrai fils pour Jamie qui s’appuie moralement sur lui. Comme Jamie, il a une grande intelligence des rapports humains.
Roger protecteur
Par Gratianne Garcia
Pour completer ce portrait voici des passages sur 3 chapitres du tome 5 où, progressivement, Diana Gabaldon nous décrit une complicité et une affection réciproques et grandissantes avec Jamie. Roger se montre courageux et volontaire pour prendre sa place dans ce rude XVIII°.
Il y a eu comme un déclic avec l’agression de Brianna pour la 2ème fois par Stephen Bonnet : Roger a conscience de son incompétence à se battre avec les armes du XVIII° et il veut y remédier.
Brianna a fait un cauchemar et le raconte à Roger qui prend conscience qu’il faut éliminer Bonnet pour qu’elle retrouve une certaine sérénité. Il se sent responsable de sa famille et veut le faire lui-même. Pour y arriver, il a besoin de l’aide de Jamie .
—1 -T5 Ch48 : alors qu’ils travaillent ensemble dans les champs, Roger ose lui demander. Auparavant, Jamie l’a mis en confiance en se mettant torse nu, ce qu’il ne fait jamais avec des personnes qui ne lui sont pas intimes. Roger a vu ses cicatrices . …. mis en confiance, il lui demande d’apprendre à se battre.
—2 -T5 Ch 49 : Roger raconte à Brianna que Jamie a commencé à lui apprendre le maniement de l’épée….
—3 -T5 Ch50 : Roger achète une épée et s’entraîne avec le docteur Fentiman qui passe par là. Jamie approuve le choix et pense que Roger « fera l’affaire ».
— 1 - Tome 5 La croix de feu - Chapitre 48 « Le trou de l’océan »
… « Demande de Roger, après une journée de travail : « Jamie hissa une grosse roche, puis se redressa, les mains sur les hanches, et reprit son souffle. Roger s'arrêta, lui aussi. Autant se lancer maintenant, il ne trouverait pas meilleur moment.
— J'ai un service à vous demander, demanda-t-il de but en blanc.
Jamie se tourna vers lui, haletant, et attendit.
— Apprenez-moi à me battre.
Jamie s'essuya le visage, puis esquissa un demi-sourire.
— Tu sais très bien te battre. Tu veux dire que tu aimerais apprendre à manier une épée sans te la planter dans le pied ?
Roger poussa de sa botte un caillou qui était tombé de la pile.
— Oui, ce serait déjà un bon début.
Jamie resta un moment sans bouger, le contemplant avec attention. C'était un examen parfaitement froid et neutre, comme s'il inspectait un bouvillon qu'il envisageait d'acheter.
Roger sentit la transpiration lui couler dans le dos. Une fois de plus, il eut l'impression d'être comparé — à son désavantage — à Ian Murray, le neveu absent.
— Tu es un peu âgé pour ça, déclara enfin Jamie. La plupart des guerriers commencent leur entraînement très jeunes. On m'a offert ma première épée à l'âge de cinq ans.
À cinq ans, Roger avait eu un train électrique. Avec une locomotive rouge qui sifflait quand on tirait sur une cordelette. Il soutint le regard de son beau-père avec un sourire aimable.
— Vieux, peut-être, mais je ne suis pas encore mort.
— Ça pourrait arriver. Il n'y a rien de pire qu'un apprentissage bâclé. Un idiot avec une épée rangée dans son fourreau est moins dangereux qu'un idiot qui croit savoir s'en servir.
— Merci. Vous me prenez pour un idiot ?
Jamie se mit à rire.
— Non, mais es-tu prêt à faire le nécessaire pour apprendre sans que cela te monte à la tête ?
— Oui. M'apprendrez-vous ?
Jamie l'examina encore de la tête aux pieds en plissant des yeux.
— Tu as l'avantage de la taille et une bonne longueur de bras. Oui, je crois que tu pourrais apprendre.
Il tourna les talons et s'éloigna vers un second tas de pierres. Roger le suivit, se sentant étrangement flatté, comme s'il venait de réussir un test rapide mais déterminant. En réalité, son examen n'avait pas encore commencé. Ils avaient érigé la moitié du second pilier quand Jamie reprit la parole :
— Pourquoi ? demanda-t-il.
Il avait les yeux baissés vers une énorme pierre de la taille d'un petit tonneau de whisky. Il tentait lentement de la hisser, mais elle était trop lourde. Roger se pencha pour l'aider. Les mousses vertes sur sa surface étaient rugueuses contre ses paumes et formaient des croûtes desséchées.
— J'ai une famille à protéger.
Jamie hocha la tête une fois, deux fois et, à la troisième, ils soulevèrent ensemble la roche, grognant à l'unisson. Le monstre tomba en place avec un bruit sourd qui ébranla le sol sous leurs pieds.
— À protéger contre quoi ? »…
Les leçons de Jamie commencent avec une épée en bois. Puis vient le moment de l'achat d’une belle épée que Roger essaye devant Jamie.
—2 - Tome 5 ( 3éme partie ) La croix de feu - Chapitre 49 « En Garde »: Roger raconte à Brianna que Jamie a commencé à lui apprendre à se battre avec une épée de bois.
…« Après avoir été sollicités des heures durant, ses muscles se décontractaient progressivement. Ses oreilles résonnaient encore des instructions sèches de son beau-père.
« Sers-toi de ton avant-bras, bon sang ! Ton poignet ! Ton poignet ! Cesse d'agiter ta main comme ça, garde-la près du corps. C'est une épée, pas un gourdin ! Utilise la pointe ! »
À un moment, il avait projeté Jamie contre un tronc d'arbre d'un coup d'épaule. À un autre, son beau-père avait trébuché contre une pierre et était tombé à genoux. Mais pour ce qui avait été de le toucher avec son épée, il aurait pu tout autant se battre contre un nuage de poussière.
« Dans ce genre de combat, tous les coups sont permis », l'avait prévenu Jamie en haletant, quand ils s'étaient agenouillés au bord du ruisseau pour se débarbouiller.
« Les jolis gestes, c'est pour la galerie. »
Il sursauta et écarquilla les yeux, brusquement arraché du vacarme des épées de bois qui s'entrechoquaient pour revenir dans la chaleur de la cabane. Le plat de cailles avait disparu. Brianna jurait entre ses dents, tentant de casser les coques en terre avec le manche de son coutelas.
« Regarde où tu mets les pieds ! Recule ! Recule ! Maintenant, reviens sur moi... non, n'avance pas tant le bras... conserve ta garde levée ! » Et le claquement de l'arme en bois contre ses bras, ses cuisses et ses épaules, sa pointe lui piquant les côtes, s'enfonçant dans son ventre. Si la lame avait été en acier, il n'aurait pas survécu plus de quelques minutes, finissant en lambeaux sanglants.
« Ne coince pas ma lame sous la tienne, repousse-la, Frappe ! Frappe-la ! Attaque ! En avant ! Reste serré, reste serré... voilà, comme ça, bien ! »…
— 3 - Tome 5 ( 3ème partie) - Chapitre 50 « Roger achète une épée »
Cross Creek, novembre 1771
…«Il avait déjà tenu des épées du XVIIIe siècle, si bien que ni le poids ni la longueur ne le surprirent. La corbeille autour de la poignée était légèrement cabossée, mais pas au point de gêner sa prise. Toutefois, la différence entre disposer avec révérence une antiquité dans une vitrine de musée et choisir une lame affûtée dans l'intention délibérée de s'en servir pour transpercer un corps humain était évidente.
Jamie l'examina d'un œil critique avant de la lui rendre.
— Elle a un peu souffert, mais la lame est bien équilibrée. Essaie-la pour voir si elle te va.
Se sentant totalement idiot, il glissa la main dans la corbeille et pris une pose d'escrime en se basant sur ses souvenirs des films d'Errol Flynn. Ils se tenaient dans l'allée commerçante de Cross Creek, devant la forge. Quelques passants s'arrêtèrent pour offrir leurs conseils avisés.
— Combien demande Moore pour ce morceau de fer blanc ? demanda l'un d'eux d'un air dédaigneux. Au-delà de deux shillings, c'est du vol pur et simple.
Furieux, Moore se pencha par-dessus le battant inférieur de la porte de sa forge.
— Elle est très bien, mon épée ! Elle me vient de mon oncle qui s'est battu à Fort Stanwyck. Elle en a tué, des Français, je peux vous le dire ! Et elle n'a qu'une petite bosse.
— Une petite bosse ! Tu veux rire, elle est tellement cabossée qu'en voulant embrocher un homme, on risque de lui couper l'oreille !
Un rire parcourut l'attroupement qui s'était formé, couvrant la réponse du forgeron. Roger abaissa la pointe de l'épée, puis la releva lentement. Comment essayait-on cette arme ? Était-il censé faire quelques moulinets du bras ? Piquer quelque chose avec ?
Une carriole était garée non loin, remplie de sacs de jute contenant quelque chose... de la laine brute, à en juger par l'odeur. Il chercha vainement le propriétaire de la voiture dans la foule grandissante. L'énorme cheval de trait attelé paraissait seul, ses oreilles couchées sur des rênes tombantes. Le cordonnier, qui possédait l'échoppe d'en face, pinça les lèvres d'un air connaisseur.
— Si c'est une épée que cherche ce jeune homme, Malachy McCabe en a une meilleure. Il l'a conservée depuis son séjour à l'armée. Je crois qu'il serait prêt à s'en séparer pour trois shillings, tout au plus.
Un ancien soldat d'âge moyen contempla l'arme en inclinant la tête et opina.
— Elle n'est pas très élégante, mais elle m'a l'air d'être bien maniable.
Roger tendit le bras en avant, visant la porte de la forge, et manqua d'embrocher le forgeron qui sortait pour défendre sa marchandise. Celui-ci bondit sur le côté en poussant un petit cri, et la foule rugit de rire. Une voix nasillarde tonnant derrière le dos de Roger interrompit ses excuses.
— Tenez, monsieur ! Permettez-moi de vous offrir une cible plus digne de votre lame qu'un malheureux forgeron sans défense. Pivotant sur ses talons, Roger se retrouva face au Dr Fentiman en train de dégainer une rapière hors de sa canne creuse. Le médecin, qui lui arrivait plus ou moins au niveau du sternum, brandit son arme avec une férocité cordiale. Il sortait apparemment d'un déjeuner bien arrosé, et son nez brillait comme une ampoule de Noël.
— Un brin d'exercice, monsieur ?
Fentiman fendait l'air devant lui de sa lame, la faisant chanter.
— Le premier à verser le sang de son adversaire l'emporte, qu'en dites-vous ?(…)
— Je suppose que c'est lui le vainqueur. Il a versé le premier sang.
Roger prit conscience qu'il avait parlé uniquement en reconnaissant le son de sa propre voix, étrangement calme à ses oreilles. Jamie le regardait d'un air interrogateur, l'épée en équilibre sur la paume d'une main.
— Alors, qu'en penses-tu ?
Roger hocha la tête. L'allée était inondée de soleil et remplie d'une fine poussière blanche. Elle s'infiltrait sous les paupières, brûlant les yeux.
— Oui, dit-il. Elle fera l'affaire.
— Parfait, répondit Jamie, toi aussi.»…