Jamie Fraser et les Sidhes,
les Anciens et les Dieux Celtes
« IL Y A UNE TOUCHE DE MAGIE, DE MYTHE ET DE POÉSIE dans The Scottish Prisoner qui n'était pas aussi présente dans les autres livres de Diana Gabaldon. J'aimerais vous faire part de mes impressions et de mes réflexions sur plusieurs moments clés du livre qui, je pense, pourraient finalement toucher à certains secrets de l'ascendance de Jamie. Comme je vais citer des passages du livre The Scottish Prisoner, ainsi que des informations tirées de Voyager, et A Breath of Snow and Ashes, le reste de cet essai se trouvera sous la coupe.
À propos des Anciens, des sídhe, des fées et des dieux celtiques. Au début de The Scottish Prisoner, Jamie parle d'une époque où il a rencontré les Anciens ou sídhe en Écosse. Jamie prétend que les sídhe sont les "créatures de l'autre monde" qui sortent parfois la nuit de leurs "duns de pierre" souterrains pour participer à la Chasse Sauvage. Il venait de tuer un cerf quand il les a entendus. Il a couru dans l'eau parce que la légende disait qu'ils ne pouvaient pas la traverser. Il s'est également assuré qu'il gardait les yeux fermés. Jamie lui a expliqué l'importance de le faire :
"Vous ne devez pas les regarder", dit-il. "Si vous le faites, elles peuvent vous appeler à elles. Jeter leur charme sur vous. Et alors, vous êtes perdu.""Est-ce qu'elles tuent des gens ?"Fraser secoua la tête."Elles prennent les gens", corrigea-t-il. "Elles les attirent. Les ramènent dans les rochers, dans leur monde d'origine. Parfois" –il s'éclaircit la gorge– "parfois, les gens qui ont été enlevés reviennent. Mais ils reviennent deux cents ans plus tard. Et tous ceux qu'ils connaissaient et aimaient sont morts."
–Diana Gabaldon, (2011). Le Prisonnier Écossais
Dans le monde des livres de la saga Outlander et dans les Lord John Grey, il semble que Diana considère les Anciens (Old Ones, ou Auld Ones), les sídhe, les Fées et les anciens dieux celtiques comme étant interchangeables. (Diana dit que les Sidhe et les anciens dieux sont à peu près les mêmes dans le volume II de l'Outlandish Companion).
Plus tard, dans The Scottish Prisoner, lorsque Jamie se rend en Irlande et rend visite au père Michael, il apprend l'existence d'un ancien homme des marais que les moines ont déterré dans la tourbe. Il avait "subi la triple mort" : Il avait eu la tête défoncée, la gorge tranchée et il avait été noyé (il y avait aussi une corde autour de son cou au cas où tout cela n'aurait pas suffi). Près de lui se trouvait le Cupán Druid riogh ou la coupe des anciens rois druides qui intéressait un vieil ami de Jamie, Quinn.
Lors de la visite de Jamie, le père Michael en dit plus sur les anciens dieux celtiques. Il mentionne Taranis qui était "le dieu du tonnerre", Esus, qui régnait sur les enfers, et Teutates, "un des anciens dieux tribaux". Des sacrifices rituels devaient être faits à ces dieux. Esus aimait la pendaison et Teutates aimait la noyade. Le père Michael a ajouté que les anciens Celtes "prenaient des prisonniers de guerre et les brûlaient dans de grandes cages en osier, pour Taranis".
Le père Michael explique qu'il a fini par enterrer à nouveau l'homme des marais :
"J'ai pensé que je ne devais pas le remettre directement là d'où il venait", a expliqué le père Michael, en aplatissant les mèches de cheveux volants avec sa paume..... "Alors vous l'avez mis sous la colline", dit Jamie, et un frisson soudain lui monta dans le dos tandiq qu'il prononçait cette phrase. C'était dans le poème "Le roi de sous la colline" - et, à sa connaissance, les gens "sous la colline" étaient les Anciens, des gens féeriques...
–Diana Gabaldon (2011). Le Prisonnier Écossais
[ndlt: J'ai préféré retraduire ce passage, car en VF, le traducteur a traduit "Anciens" par "êtres surnaturels"]
Y a-t-il un lien entre les Anciens et les pierres tombales ? Jamie finit par voir le Cupán et se détourne de la tentation de mener à nouveau les hommes au combat. Mais en regardant la coupe, il voit quelque chose de sculpté. L'abbé dit à Jamie que c'est "un carraig mór, ou du moins c'est ce que je pense. Une longue pierre". Jamie réalise à son grand désarroi que c'est une pierre dressée, "fendue en son milieu".
Un certain nombre de questions en découlent donc :
* Y a-t-il une sorte de lien entre les Anciens et les gens comme Claire qui peuvent passer par les pierres dressées ?
* Peut-être que Maître Raymond (qui semble être un ancêtre de Claire et d'autres personnes qui peuvent passer à travers les pierres) est un Ancien ?
* Il y a assurément des moments où Jamie pense que Claire est une Ancienne. Dans un autre livre, un Jamie mortellement malade implore Roger de s'assurer que Claire retourne dans les pierres si Jamie venait à mourir, car les gens la reconnaîtraient comme une Ancienne et ils la tueraient s'il n'était pas là pour la protéger.
* Nous savons également que les histoires des Sidhe mentionnent des gens qui disparaissent pendant 200 ans –ce qui semble être la durée pendant laquelle on est généralement transporté d'une époque à l'autre.
* Si la coupe des rois druides porte l'image d'une pierre dressée, cela signifie-t-il que le premier roi druide venait du futur ou qu'il avait du sang Sidhe qui lui permettait de passer à travers les pierres ?
* On peut également se demander si l'homme qui a subi la triple mort venait du futur. Était-il aussi un roi druide ? (Dans certaines traditions, c'est le roi qui serait sacrifié pour obtenir les bénédictions des dieux pour son peuple dans les moments difficiles).
* Si la coupe des rois druides est liée aux pierres tombales, indiquant que les rois celtes auraient pu être des voyageurs du temps, y a-t-il un lien entre la prophétie de Fraser et la possibilité que la fille de Jamie et Claire, Bree, et leurs petits-enfants Jem et Mandy, renferment le sang des Anciens et donc celui des rois celtes ?
Des rencontres rapprochées du type Sidhe: Jamie retourne finalement en Irlande dans The Scottish Prisoner avec le corps de son ami Quinn qui verse une dîme féerique aux enfers. (Longue histoire.) Jamie sort dans le marais pour enterrer son ami seul. Alors qu'il termine l'enterrement, il entend le son d'une corne :
Ils arrivent. Il ne se demanda même pas qui et passa rapidement sa culotte et sa veste. Il ne lui vint pas à l’esprit de s’enfuir et, l’espace d’un instant, il se demanda pourquoi car l’air autour de lui vibrait d’étrangeté.Parce qu’ils ne viennent pas pour toi, dit une voix calme en lui. Ne bouge pas.Il pouvait les voir, à présent. Des silhouettes se détachaient au loin, prenant forme à mesure qu’elles approchaient comme si elles se matérialisaient à partir du néant. Ce qui, pensa-t-il, était précisément ce qu’elles venaient de faire.Il n’y avait pas de brume au-dessus de la tourbière. Le groupe qui venait vers lui, semblant composé d’hommes et de femmes, avait surgi de nulle part car il n’avait nulle part d’où surgir. Il n’y avait rien derrière lui qu’une étendue de marécage s’étirant jusqu’au lac, plus loin.Les cors retentirent à nouveau, émettant des notes monotones et discordantes (l’aurait-il su, si elles avaient été mélodieuses ?). Il distinguait leurs instruments à présent, des tubes incurvés qui reflétaient les derniers feux du jour, brillants comme de l’or. Il comprit soudain ce que lui rappelait ce son : le cacardement des oies sauvages.Ils étaient désormais si près qu’il devinait leurs traits et les détails de leurs vêtements. La plupart portaient des tenues simples en grosse toile et homespun, sauf une femme, toute vêtue de blanc.Comment se fait-il que sa jupe ne soit pas éclaboussée de boue ? se demanda-t-il. Puis il se rendit compte avec effroi que ses pieds ne touchaient pas le sol, tout comme ceux des autres. Elle brandissait un couteau à la longue et courbe lame et au pommeau étincelant.Il faut que je me souvienne de dire au père Michael que ce n’était pas une épée…Il remarqua une autre silhouette qui se détachait de la foule, car c’était bien une foule. Ils étaient une bonne trentaine. Derrière la femme venait un homme, grand, portant une culotte s’arrêtant aux genoux, torse nu, les épaules drapées d’un manteau tissé dans une étoffe à carreaux. Il avait une corde autour du cou. Jamie retint son souffle, ayant la sensation que le nœud se resserrait autour de sa propre gorge.Quels étaient les noms qu’avait prononcés le père Michael ?— Esus, dit-il à voix haute, sans même s’en rendre compte. Teutatès et Taranis.Comme s’il les avait appelés, un homme tourna la tête vers lui, puis un autre, puis enfin la femme.Il se signa et invoqua la Sainte-Trinité d’une voix sonore. Les dieux anciens se détournèrent. Il remarqua que l’un d’eux portait une masse d’armes.Il s’était toujours interrogé sur la femme de Lot, se demandant comment elle avait pu se transformer en statue de sel. Il le comprenait, à présent. Il contemplait, pétrifié, le groupe, le vit s’arrêter tandis que les cors résonnaient une troisième fois. Ils flottaient quelques centimètres au-dessus de la surface de la tourbière et formèrent un cercle autour de l’homme le plus grand. Il dépassait tous les autres d’une tête. Le soleil illuminait ses cheveux tel un halo flamboyant. La femme en blanc s’approcha en levant sa lame ; l’homme portant la masse vint se placer cérémonieusement derrière lui ; le troisième saisit l’extrémité de la corde enroulée autour de son cou…— Non ! hurla Jamie, sortant soudain de sa transe.Il prit son élan et lança la coupe de toutes ses forces au milieu de la foule surnaturelle. Elle s’écrasa dans le marécage avec une grande éclaboussure et ils disparurent.Il cligna des yeux, puis mit sa main en visière pour se protéger du soleil couchant. Plus rien ne bougeait à la surface de la tourbière. Pas un seul oiseau ne chantait. Avec toute l’énergie d’un possédé, il reprit sa pelle, combla frénétiquement la fosse, aplatit la terre puis, sa cape roulée en boule sous un bras, courut, pataugeant dans l’eau jusqu’à ce qu’il rejoigne le chemin en planches à demi submergé.Derrière lui, il crut entendre à nouveau l’appel des oies sauvages et, malgré lui, il se retourna.Ils avaient réapparu et s’éloignaient, lui tournant le dos et se dirigeant vers le soleil couchant. Il ne voyait plus l’éclat des cors, mais crut apercevoir un manteau à carreaux dans la foule. C’était peut-être celui du grand homme. Sans doute était-ce un effet de la lumière du crépuscule qui baignait l’étoffe d’une lueur rosée.
–Diana Gabaldon (2011). Le Prisonnier Écossais
J'ai senti mes propres poils se dresser en lisant cette partie du livre. C'était un mélange si impressionnant du rituel mystique du sacrifice, de la rencontre sinistre d'êtres de deux mondes différents, de la mort, du chagrin et même d'une sorte de résurrection (en supposant que Quinn était l'homme portant le tissu rose à carreaux).
Après avoir surmonté la crainte de ce passage, une autre grande question s'est imposée à moi. Souvenez-vous, Jamie avait dit plus tôt dans le livre que les humains ne devraient pas regarder les Sidhe parce que "si vous le faites, ils peuvent vous appeler à eux. Jetez leur charme sur vous. Et alors vous êtes perdus."
Ok, alors pourquoi Jamie n'est-il pas tombé sous leur charme après avoir regardé les Anciens? Pourquoi ne l'ont-ils pas emmené avec eux, ce qu'ils font habituellement avec les humains?
Peut-être parce que les Anciens avaient l'âme de Quinn, ils n'avaient pas besoin de Jamie. Néanmoins, pourquoi ne pas avoir deux âmes (et celle-ci avec un corps complet) si vous le pouviez?
Peut-être parce que Jamie avait fait appel à la Trinité et était protégé. Mais peut-être y avait-il une autre raison –peut-être même deux.
Une possibilité est que Claire a un peu de sang Sidhe. Certains membres de la famille de Jamie pensaient qu'il était envoûté par Claire. Peut-être que la guérison n'était pas la seule "magie" involontaire de Claire. Si Jamie était un tant soit peu sous l'emprise de Claire, peut-être qu'aucun autre Sidhe ne pouvait le "charmer".
L'autre possibilité est que Jamie a lui-même une touche d'héritage magique et qu'il était donc immunisé contre les enchantements des Sidhe :
"Les gens ont dit que lorsque ma mère s'est enfuie de Leoch, elle était partie vivre avec les selkies ; seulement parce que la servante qui a vu mon père quand il l'a emmenée a dit qu'il ressemblait à un grand selkie qui avait perdu sa peau et était venu marcher sur la terre comme un homme. Et c'est ce qu'il a fait." A ce souvenir, Jamie sourit et passa une main dans ses cheveux épais.
–Diana Gabaldon (2004). Le Voyage
[ndlt: J'ai préféré retraduire ce passage, car dans la VF, le traducteur a traduit "selkie" par phoque, mais les selkies (bien qu’avec l’apparence de phoque) sont des créatures imaginaires issues du folklore écossais (plus d'infos ici) ]
En fait, c'est la grand-mère paternelle de Jamie qui aurait été la selkie. Si Jamie avait cet héritage, cela expliquerait pourquoi il était un si bon nageur (bien que le fait d'être en partie selkie ne corresponde pas tout à fait à son mal de mer extrême).
Le fait d'avoir un peu de sang selkie expliquerait aussi pourquoi Jamie et Jenny ont vécu tout les deux des expériences extrasensorielles. Lors du mariage de Jamie avec Laoghaire, Jenny a eu une vision de Claire comme si elle se tenait juste là et, par conséquent, Jenny a su que le mariage était condamné. Jamie a également des rêves qui semblent le transporter dans le futur. Après que Roger, Bree et les enfants soient retournés dans le futur, Jamie les voit clairement, parle de Fiona et –surtout– d'un téléphone.
Donc, si nous avons un peu de créature magique dans Jamie, et un peu de sang Sidhe dans Claire, et si les anciens rois druides avaient un peu de sang Sidhe, alors c'est peut-être aussi une preuve supplémentaire que Bree ou l'un de ses enfants ou petits-enfants pourrait effectivement être candidat pour accomplir la prophétie de Fraser pour gouverner l'Écosse (peut-être en passant par les pierres jusqu'à un moment futur).
Magique en effet. »
Traduction, par Lucie Bidouille, d'un Texte original , en anglais
{ 𝚂𝙿𝙾𝙸𝙻𝙴𝚁𝚂: TOUS les écrits de Diana Gabaldon, en particulier Le Prisonnier Écossais }
Théorie étonnante à propos de certains mythes celtes évoqués dans la saga Outlander.
Même si la conclusion s'avèrerait être fausse, les recherches et les réflexions effectuées par son auteure méritent d'être lues, car elles peuvent expliquer la mystérieuse phrase que Jamie a dit à Roger quand il a été mordu par le serpent (La Croix de Feu) :
« C'est une Ancienne. S'ils l'apprennent, ils la tueront. »